Hua Guo-Zhong, Grand Maître et consultant en cuisine sitchuanaise
Mots-clés Guo-Zhong (Hua)
Nous avons rencontré Hua Guo-Zhong lors d'un repas mémorable au Bonheur du Palais . Après le dîner, il a accepté de répondre à mon interview habituelle. La traduction du mandarin a été assurée par Tommy Shan, propriétaire du dit restaurant. Cette interview est très intéressante, car elle reflète une autre civilisation que la notre, et d'autres préoccupations que celles des chefs français. Et ce qui pourrait paraître prétentieux dans la bouche d'un de ces chefs prend un autre relief dans les réponses de Hua Guo-Zhong. Je vous laisse juge.
Questions à Hua Guo-Zhong
– Qui, ou qu'est-ce qui vous a donné envie d'être cuisinier ?
En 1976 je passais devant un restaurant renommé pour faire les meilleurs poulets et canards de la province de Sitchuan lorsque j'ai eu la révélation que la cuisine est l'un des arts les plus importants de la vie. Cela m'a donné l'envie de cuisiner, de découvrir et de créer.
– L'uniformisation du goût menace la cuisine, comment réagissez-vous concrètement ?
Le problème existe en Chine avec beaucoup plus d'acuité qu'en France, car nous n'avons pas de petits producteurs qui travaillent des produits d'excellence. Evidemment, le produit de base est important, mais un grand cuisinier doit être capable de faire une cuisine de très haut niveau en transformant un produit banal. Nous ne pouvons de toute façon pas faire autrement.
– Comment créez-vous un plat ?
La cuisine sitchuanaise est très codifiée, et la Haute Cuisine de notre province est celle qui respecte à la lettre ces codes. Les saveurs complexes de base sont comme des notes, et nous devons écrire la partition. Une autre analogie peut être faite avec les arts martiaux : les prises sont codifiées, mais libres ; il faut donc être plus fort que l'adversaire avec les mêmes prises que lui.
– A votre avis, que doit être la critique gastronomique ?
Les chroniqueurs gastronomiques libres n'existent pas en Chine, ce sont des fonctionnaires d'Etat qui classent les cuisiniers.
Dans les grandes cuisines du Sitchuan il y a plusieurs postes tenus chacun par un chef cuisinier. Les clients vont directement aux postes de cuisine chercher leur repas. Les bons cuisiniers sont là où les files d'attente sont les plus longues. Puis ces chefs passent des examens et des concours pour devenir Maîtres, puis Grands Maîtres (ndlr : la plus haute distinction, très rare)
– Quelle a été votre plus grande émotion gastronomique ?
Je vais vous raconter l'histoire de l'Empereur Ming. Dans sa jeunesse cet Empereur était très pauvre. Lorsqu'il a accédé à la fonction suprême, on lui a demandé ce qu'il voulait manger. Il a choisi le canard sous la cendre, autrement appelé le canard du mendiant, qui était sa nourriture "de luxe" lorsqu'il était jeune. En fait, on revient toujours aux nourritures de son enfance.
Au Sitchuan, ce n'est pas l'émotion qui prime, mais le respect de la codification. Chaque goût possède un style, et un plat est réussi quand il est dans la norme des saveurs complexes de base. Quand je suis à l'étranger, j'analyse le produit de base, le goût, d'autres paramètres pour savoir si ce plat est bon.
Quant à la plus grande émotion de ma vie, c'est en 1983 quand j'ai organisé un repas pour 3 700 personnes, dont la plupart des membres du Parti Communiste, et qu'ensuite j'ai été reconnu par mes pairs et que j'ai accédé au titre de Grand Maître.
– Quel est le plus grand chef en activité ?
Je pense que c'est moi, car tout le monde me respecte.
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