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Jan. 05 10

Version imprimable La nouvelle cuisine existe depuis l’Antiquité

par Ségolène

Ségolène dit tout dans le premier paragraphe de cet article : «On parle sans cesse de nouvelle cuisine et de révolution culinaire. Sommes-nous vraiment des précurseurs dans ce domaine ? Il semble qu’il serait plus sage de nous inscrire dans une longue succession d’évolutions des plats et des manières de manger, liée aux goûts et aux façons de se nourrir». Laissons-la malgré tout développer, d’autant plus que c’est intéressant.


On parle sans cesse de nouvelle cuisine et de révolution culinaire. Sommes-nous vraiment des précurseurs dans ce domaine ? Il semble qu’il serait plus sage de nous inscrire dans une longue succession d’évolution des plats et des manières de manger, liée aux goûts et aux façons de se nourrir.


Les sources écrites de l’Antiquité nous montrent que les premiers siècles de notre histoire étaient marqués par la frugalité et la modération. L’agriculture et les récoltes aléatoires, les échanges qui se mettaient en place, les mentalités poussaient les hommes «à manger pour vivre et non pas vivre pour manger». Les menus privilégiaient légumes, céréales et fromage, les viandes étaient davantage réservées aux banquets sacrificiels, publics ou privés. L’alimentation servait de médecine : les médecins prescrivait des aliments comme remède en cas de malaises, les herbes, le vin entraient dans la composition de diverses médecines.


Tout change avec l’Empire Romain, Rome est une société d’abondance. La nourriture devient une obsession poussant les romains à satisfaire leur gourmandise – la gula- et à consommer avec excès. Comme il est considéré comme malsain de manger seul, c’est le règne des banquets où l’on mange à se rendre malade les mets les plus sophistiqués. Sous l’impulsion de cuisiniers comme Apicius, la cuisine romaine utilise force épices et condiments masquant les goûts, transforme les textures des aliments afin de provoquer la surprise des invités qui, déjà, voyaient apparaître des plats gigognes destinés à provoquer l’émerveillement.


Et cela plaisait tellement qu’au Moyen Age cette tradition perdure. Les grands banquets royaux et aristocratiques croulent sous des plats phénoménaux de venaisons et de volailles rôties et reconstitués avec poils et plumes à l’intérieur desquelles se cachaient d’autres viandes et même des poissons. Peu de légumes, abondance d’épices, nécessaires pour masquer des goûts douteux des viandes. Et pourtant Taillevent crée une cuisine de plus en plus élaborée codifiée dans «Le Viandier».


Nouvelle cuisine à la Renaissance, les livres de cuisine se font de plus en plus nombreux qui préconisent l’abandon de l’utilisation excessive des épices pour une recherche du goût réel des aliments. Catherine de Médicis n’apporte pas seulement la fourchette dans ses bagages mais aussi son goût pour les légumes – elle raffolait des artichauts – et les sauces. La découverte du Nouveau Monde apporte sur les tables des mets nouveaux : tomates, maïs, chocolat, dinde et pomme de terre. Apparaît aussi un nouvel ordre de service : les fruits sont servis en entrée, puis viennent les bouillis, les rôts et viandes, puis les desserts, qui restera longtemps.


Jusqu’au XIXème siècle, les invités d’un repas sont assis autour de la table et les plats disposés sur la table selon les règles du service «à la Française». Les repas festifs deviennent somptueux : buffets avec une multitude de services entrecoupés d’entremets. Ce service à la Française qui privilégie le décorum ne permettait aux invités de ne déguster que les plats qui se trouvaient devant eux. Le pape de ce type de gastronomie est Vatel qui pourtant n’était pas cuisinier mais maître d’hôtel ce qui nous montre la prédominance du service sur la gastronomie en tant que telle.


La Révolution va bouleverser ces modèles, les cuisiniers, en mal d’emploi puisque leurs maîtres ont perdu la tête, ouvrent des restaurants, une autre nouveauté qui ne va pas être sans conséquence pour l’évolution de la cuisine. D’abord la gastronomie est ouverte à tous, le service à la française disparaît pour le service dit «à la Russe» et surtout les recherches, les recettes des chefs sont mises en valeur. Les plats de poissons sont maintenant des plats à part entière et sont servis séparément des viandes. L’arrivée des cuisinières à charbon permet des méthodes différentes de cuisson lente, de braisage qui entraînent la naissance du pot au feu, de la blanquette et de la daube, une meilleure cuisson des légumes plus variés. Tout ceci va faire naître une nouvelle profession : critique gastronomique dont Brillat-Savarin et Grimod de la Reynière sont les phares. De même si en cuisine Carême reste la figure la plus connue parmi les chefs, ils sont nombreux à innover et à poser les bases de la cuisine moderne.


Ces tendances s’accentuent au XXème, Escoffier va codifier dans son «Guide Culinaire» ses recherches des goûts naturels et propres à chaque aliment, les grands cuisiniers sont de plus en plus nombreux et les livres de cuisine se multiplient. Au fur et à mesure des années, les fastes et les goûts se simplifient, s’affinent. Les gourmets recherchent l’harmonie des saveurs, l’opposition des textures. Ils veulent comme autrefois être surpris et demandent aux chefs d’être de plus en plus inventifs et de respecter les produits. Les maîtresses de maison peuvent réaliser chez elles les recettes des grands chefs, car tous signent des livres de cuisine remarquablement expliqués et illustrés. Le goût pour les cuisines et les saveurs d’ailleurs fut accentué par la présence des métropolitains dans les colonies d’où ils ramènent de succulentes recettes et la rapidité des transports qui facilitent le commerce rapide de produits exotiques.

 

Ségolène