L'art de déguster la viande, par Paul Le Mens
Mots-clés Le Mens (Paul) , dégustation , viande
L'art de déguster la viande , par Paul Le Mens
L’auteur invite tous les amateurs et curieux à enrichir le vocabulaire aromatique de la viande en se connectant à travers le WEB et échanger des avis sur des séances de dégustation .
La dégustation
Il est commun et admis de décrire les vins, avec abondance de méthodes et de commentaires, l’inflation des savoirs déguster règne dans cette branche, alors qu’il y a grand vide dans les autres secteurs de l’alimentation. Toute une littérature commente les régions viticoles, les cépages, les vinifications, les millésimes, les arômes, l’art de boire et gouter. Des écoles et des clubs œnophiles vous initient à la dégustation des grands crus, les foires aux vins fleurissent, sans compter les vignerons qui vous accueillent à bras ouverts, vous racontant avec passion leur dernière cuvée spéciale.
« Nez riche et complexe, agréablement bouqueté, il offre au nez un parfum de petits fruits noirs, notes épicées, florales et boisées »… « Chaleureuse et concentrée, la bouche laisse s’exprimer des arômes naissants de griotte à l’alcool, de romarin et de café, le tout relevé de notes boisée vanillé »… « En attaque des tanins pacifiques, il monte en puissance en milieu de bouche, nous gratifiant d’une chair ample parfumée de framboise et de myrtille de réglisse de gingembre… » Les sommeliers ne tarissent pas d’éloge au vin, sans oublier les revues en quête d’un nouveau vigneron ou château à vous faire découvrir.
Tout ça pour dire et rappeler qu’on pourrait le faire aussi pour les fromages, les pains , les chocolats, les charcuteries, les salaisons, les huiles alimentaires, les miels, les cafés et autres confitures, être très créatifs sur les sensations et la description, partager les plaisirs pour mieux communiquer.
La viande satisfait pleinement nos sens et nous n’éprouvons pas forcément le besoin d’aller au-delà d’un mot lancé entre deux bouchées : « succulente, très tendre... »
Cet article est consacré à l’art de déguster la viande , en espérant qu’il fera écho chez certains, en souhaitant qu’ils osent prendre leur plume pour nous relayer. La dégustation est avant tout un partage du plaisir sensoriel, l’envie de dire à l’autre les sensations agréables que je ressens. La convivialité de la table est sans limite dans notre pays. On parlera très volontiers de ce que nous avons mangé la semaine dernière dans un petit restaurant (vous avez remarqué que c’est très souvent des petits restos dont il est question) déniché on ne sait comment, mais quel plaisir, c’était… c’était… Et les mots manquent pour décrire ce moment ludique.
L'analyse sensorielle est une science qui utilise les sens de l'homme pour évaluer les caractéristiques organoleptiques des aliments
Contrairement à la simple dégustation , l'analyse sensorielle, en tant qu'outil scientifique, nécessite des conditions normalisées dans lesquelles se dérouleront les évaluations, procédures parfaitement contrôlées et maîtrisées.
En effet, l'instrument de mesure utilisé, l'être humain, est influencé au cours de son évaluation par de nombreux facteurs externes: l'environnement dans lequel il se trouve, son état de satiété, l'ordre dans lequel vont lui être présentés les produits, l'aspect des échantillons, etc… Il est donc indispensable de prendre un minimum de précautions, sans lesquelles toute interprétation de résultats serait hasardeuse.
En pratique, on fait appel à des personnes volontaires (ou sujets) qui ont pour tâche de sentir, goûter, examiner ou comparer les échantillons qui leur sont présentés au cours d'une ou de plusieurs séances. Selon l'objectif de l'étude et le type de test, les sujets recrutés peuvent être naïfs, plus ou moins qualifiés ou entraînés à l'évaluation d'un aliment particulier.
L’analyse sensorielle a ses normes ISO, AFNOR, ses méthodologies, les thermes sont définis précisément. Nous sommes dans la métrologie, la mesure et tout ce qui est attaché à la mesure : précision, justesse, répétabilité. On utilise peu de descripteurs sensoriels afin de limiter les sources d’erreurs et être certain que le descripteur est bien compris de tous. Pas de place pour la confusion, on y a besoin de références pour entrainer les sujets, car c’est bien l’homme qui est au cœur du dispositif. L’analyse instrumentale n’est pas encore totalement suffisante pour remplacer la complexité d’une bouche. Les profils sensoriels sont largement utilisés dans les études factorielles où on va chercher à comprendre pourquoi tel régime alimentaire pourrait avoir un effet sur la qualité organoleptique. L’analyse sensorielle est souvent pratiquée en laboratoire où les conditions sont normalisées et en particulier les protocoles de cuisson.
De la créativité
Dans l’art de déguster, on va viser à décrire en cherchant des mots exprimant au mieux les sensations, une très large place sera laissée à la créativité. Les odeurs et les arômes sont déjà dans la mémoire sensorielle largement dépendante de notre culture et du pays où nous avons vécu. Quand on demande à un asiatique de décrire les sensations olfactives d’une viande , son répertoire de mots est différent du nôtre, lié à sa culture, à son enfance et à toutes les émotions qui s’y rattachent.
La description des sensations est analysée en référence à ce que l’on connaît déjà. La mémoire reconnait les odeurs et arômes stockés dans les neurones sous forme d’images sensorielle mais la verbalisation, la mise en mots est très difficile pour tout le monde. Nous savons quel type de cuisson nous recherchons, quel morceau fera notre plaisir. Décrire nos sensations en mangeant de la viande n’est pas dans nos habitudes. Toutefois avec de l’entrainement, surtout si on commence par la texture on y arrive. Etre à l’aise avec les mots suppose un minimum d’entrainement et un vocabulaire de base proposé dans cet article.
Nos sensations gustatives sous influence
Le choix du morceau, le mode de cuisson, l’espèce animale, l’âge, la finition, la répartition du gras, le collagène, la teneur en jus, les fibres musculaires, le sel que nous même rajoutons pour relever le gout, tout cela aura une influence sur la perception de la qualité et devient bien compliqué ! Et le morceau que j’ai dans mon assiette est bien hétérogène, pas forcément ressemblant à celui de mon voisin ! Pour couper court à toutes ces difficultés, je vais considérer la bouchée que je m’apprête à déguster et la décrire.
La cuisson est à l’origine de l’apparition d’environs 1000 nouvelles molécules, pas toutes perçues par nos sens. C’est dire l’importance et le rôle de la cuisson dans l’origine des odeurs et des arômes.
Le rôle du gras
Aujourd’hui le gras animal est décrié, nous sommes à l’ère du manger moins gras et mieux gras. Mais pour la viande nous avons besoin du gras lié à de nombreuses odeurs, aromes et sensations de texture par son pouvoir lubrifiant et sa viscosité. Le gras est un traceur d’odeurs de l’espèce animale, jouant un rôle de solvant vis à vis de certaines molécules (liposolubles) et augmente le seuil de perception des arômes. N’oublions pas l’aoxydation des acides gras poly insaturés au contact de l’oxygène lors du tranchage, génère des nouvelles molécules de peroxydes instables donnant à leur tour d’autres sensations aromatiques.
Des molécules volatiles piégées dans le gras vont donner à l’espèce animale sa typicité, Le gras peut être directement aromatique par les molécules d’acides gras qui le compose, mais il peut être aussi précurseur d’arômes c'est-à-dire à l’origine de molécules qui vont devenir aromatiques pendant par la cuisson.
Les lipides de la viande vont jouer un rôle majeur dans les plaisirs de mastication, dans la perception de la texture, en particulier la texture de mastication, liée au point de fusion des acides gras insaturés, constituants des triglycérides. Le gras selon la composition des triglycérides pourra être ressenti comme cireux/ferme/dur et à l’opposé huileux/liquide et toutes les nuances intermédiaires. Cela est dû à la longueur des chaines d’acides gras en lien avec leur point de fusion dans la bouche à
L’alimentation des animaux aura une influence directe sur la composition du gras et une répercussion sur nos sensations de mastication. La composition du gras, sa teneur dans le morceau va avoir un effet sur l’équilibre global en bouche, (équilibre ou structure) évalué par la texture, les arômes et les saveurs.
La matière grasse influence directement la texture par la fonte des acides gras, l’émulsion créée par la salivation, le rôle lubrifiant qu’elle joue dans le bol alimentaire. Son rôle ne s’arrête pas là car après avalement, le gras résiduel logé entre les dents, sur les muqueuses continue de libérer des molécules volatiles perçues par la voie retro nasale, ajoutant un plaisir de persistance aromatique. Ce gras résiduel est à l’origine de ce que l’on nomme la longueur en bouche, mais aussi l’arrières goût après avoir avalé, la fragrance selon Brillat-Savarin.
Ce sera le moment de boire un peu de vin et observer ce qui se passe entre la salive, le gras et vin. Le vin est acide de pH 3.5 pour le blanc et 3.7 pour le rouge, l’acidité va réagir avec l’émulsion grasse, en libérant les dernières molécules aromatiques prisonnières du gras. Le pH buccal devenant plus bas, les acides gras libres de la forme non dissociés seront mieux perçus sous l’effet du vin, la viande aura plus de « goût ». Les tannins des vins rouges seront perçus moins astringents avec le gras de la viande que dégusté seul. En effet les polyphénols du vin interagissent avec certaines protéines de la salive (Immunoglobulines) entrainant une perte de son pouvoir lubrifiant, ici l’émulsion « protège » les muqueuses gingivales et buccales de « l’attaque » des tannins.
Nous dirons aussi du mélange viande -vin qu’il nous procure ce plaisir supplémentaire de la rencontre des molécules du monde végétal (fruités-fermenté) avec celles du règne animal.
Proposition de mots pour décrire les odeurs et les arômes de la viande
Deux définitions sont indispensables mettant en jeu le sens de l’olfaction : les odeurs et les arômes, quelle est la différence entre les deux voies ?
Définition des odeurs : les molécules volatiles perçues par la voie nasale (le nez), vont se fixer sur les cils olfactifs pour être décodées en signaux électriques et acheminées vers les neurones afin d’y être reconnue comme sensation agréable ou désagréable et parfois identifiées et nommées.
Définition des arômes : les molécules qui s’échappent du morceau de viande pendant la mastication et après avalement, sont entrainé à l’état gazeux vers les cellules olfactives pour être captées par les cils olfactifs, y être piégées, décodées et après atteindre les neurones pour être identifiées et reconnues. Cette fraction aromatique comprend plusieurs centaines de molécules dont les concentrations sont souvent inférieures au nanogramme/kg.
La description analogique est une comparaison de ce que j’ai sous mon nez avec les autres les molécules aromatiques de la viande sont de faibles poids moléculaires et présentent une pression de vapeur suffisamment élevée à température ambiante pour qu’une fraction atteigne les muqueuses olfactives par la voie rétro nasale.odeurs que je connais déjà stockées dans ma mémoire, souvent associées à des émotions positives ou négatives. Toutes ses sensations étant très personnelles et respectables, le ressenti d’un individu ne doit jamais être remis en cause, cela lui appartient, et fait partie des règles du jeu du partage.
Le meilleur exercice pour percevoir les arômes, c’est de prendre un tout petit morceau de viande , de le mastiquer en se bouchant le nez, de mastiquer jusqu’au stade liquide, avaler, puis lâcher le pincement. A ce moment là vous aurez une explosion des arômes dès la première respiration. Au début les mots ne viennent pas, la verbalisation est difficile, mais avec de l’entrainement ça va venir.
La liste proposée est construite en classant les odeurs et arômes par familles. Pour vous aider, au début vous pouvez procéder par élimination. Ca ne sent pas les fleurs, pas la viennoiserie, pas le fermenté, etc.… et il me reste la famille empyreumatique, la famille animale, la famille graisseuse, et enfin vous regardez les propositions de mots quitte à en rajouter de votre cru, en tentant d’être créatif, communiquant…
Proposition d’une liste de mots permettant de décrire les odeurs et arômes de la viande cuite, classés par familles et descripteurs sensoriels
Famille animale : mouton, agneau, bœuf, vache, porc, volailles, cheval, étable, poulailler, bergerie , chenil, écurie, cuir, vieux cuir, corne, abattoir, sang, ferrique, suint, laine, poil mouillé, musc , haleine de chien, halène fétide, peau de poulet, fécale, sueur, sueur acide, fromage, ammoniac, gibier, poils, plume de poulet
Famille cuisine : soupe aux légumes, soupe à la crème, oignon à la crème, petits lardons, potiron, courge, caramel, rôtisserie, riz parfumé, curry, gratin
Famille empyreumatique : grillé, brûlé, caramel, fumé, graines de courges grillées, sésame grillé, châtaignes grillées, croute de pain brûlé, charbon, cheminée, de feu, cuit, torréfié, grillade, barbecue, cuit, rôti, de cuisinière à bois, plaque chauffée, de poêle chauffée, casserole brulée, plaque électrique chauffée, peau de poulet grillée, poisson fumé rôtisserie,
Famille gras/lipidique : cire, savon, beurre frais, beurre rance, beurre fondu, graisse fraîche, graisse rance, suif, graisse d’oie, graisse de canard, graisse fondue, gras cru, saindoux, graisse oxydée, friture, graisse frite, chips, lard, couenne, gras fondu, huile cuite, beurre fondu, crème, crème en sauce, rillette, mastic, gras refroidi figé.
Famille marine : crevette, moules, poisson, crabe, ammoniac, urine
Famille lactée : lait cru, laiteux, beurre, croûte de parmesan, gruyère, croute de parmesan
Famille fermenté : torchon de cuisine, lavettes, gant de toilette, lait fermenté, gelée royale, choux fermenté, ensilage de mais, pain au levain, aigre, aigrelet, moisi, putride, aigre et métallique
Famille végétale/minérale : choux, soufre, herbe fraîche, herbe séchée, foin, boisé, bouchon, liège, moisi, terre, sous bois, humus, moisissures, champignon, oignon cuit, légume cuits, pomme de terre cuite, potiron, mousse humide, écorce d’arbre, feuilles sèches
Famille florale/fruité : réglisse, citronné, citronnelle, noisette, amande, noix
Famille épicée/aromates : épicé, moutarde, résiné, serpolet, romarin, moutarde
Famille étrangère/chimique : caoutchouc chauffé, médical, métallique, clous rouillés, styrène, solvant, acétone, peinture, colle blanche, soufre, ammoniaque, résiné, camphre, éthéré, plastique,
Comment évaluer la texture ?
La viande est un édifice composé de fibres musculaires, de collagène, de gras et de jus. Cette structure fibreuse va être déstructurée par les dents, les muscles des mâchoires (muscles abaisseurs et releveurs), la langue, la salive. Cette destruction du morceau va être perçue par nos sens et on parlera de texture (terme communément admis, c’est aussi la consistance, mais texture est plus juste).
L’évaluation de la texture est un processus évolutif et dynamique en bouche. D’un morceau entier, on va passer à un broyat liquide, un mélange liquide la salive, de particules solides dans une émulsion grasse (gras dans la salive). Il va se passer une succession des perceptions entre le moment où je porte le morceau entre mes dents et le moment où j’avale le bol alimentaire. En fait déguster une viande c’est déguster un mélange de viande et salive et une émulsion grasse.
Le gras va enclencher un processus de salivation intense, l’émulsion gras/salive/jus de viande , va être avalée avant la partie fibreuse, donnant toute une série de sensations aromatiques. La langue, muscle très puissant dans ses mouvements va déplacer l’émulsion vers les mâchoires, les muqueuses, afin de rendre encore et encore plus fines les particules avalées
Comme tout cela se passe dans un temps très court, quelques secondes, et semble compliqué, je propose d’évaluer la texture en plusieurs étapes, sinon chacun va parler de sa texture sans pouvoir échanger et se faire comprendre.
La première étape consiste à porter le morceau à la bouche, il va effleurer les lèvres, les dents, le bout de la langue. Les lèvres très innervées et sensibles à l’effleurement, les sensations seront multiples.
Description proposées: humide, mouillé, aqueux, juteux, sec, gras, huileux, velouté, lisse, soyeux, fibreux, grenu, farineux, rugueux, râpeux, fin, souple
Texture de déformation :
Puis vient la déformation entre les dents :
Description proposées: élasticité, fermeté, molle, tendreté, jutosité de déformation (le jus est expulsé), qualité du jus.
Texture de mastication
Les morceaux de viande vont être roulés, découpés entre les dents, réduits en particules, écrasés par les dents, humectés de salive, déplacés par la langue.
Description proposées: tendre, fibres, sècheresse, fondante, ferme, dure, coriace, grasse, onctueuse, ferme, molle, huileuse. La tendreté est définie par la facilité avec laquelle une viande se laisse mastiquer. Filandreuse, filamenteuse, farineuse, élastique, pâteuse, lisse, grumeleuse, coulante, aérée, hétérogène, fine
Jutosité de mastication, qualité du jus, sensations de l’émulsion : liquide, fluide, huileux, gras, onctueux. La jutosité est la sensation de libération de jus dès les premiers coups de dents puis entretenue par la salivation en raison de la présence de gras intramusculaires.
Sensations de texture du bol alimentaire entre la langue et le palais, maintenu par la langue: lisse, fin, soyeux, velouté, rugueux, granuleux, fibreux, hétérogène
Texture résiduelle :
Il va rester des résidus de la microstructure, morceaux de fibres, de collagène, de gras, de jus, de tissus divers : remplissage de l’espace entre les dents, film gras sur les dents.
Cette proposition correspond à un protocole d’apprentissage, il est certain qu’après, en routine les échanges entre convives sont plus libres, moins formels. Mais il faut passer par cette étape de « ralenti » pour mieux s’y retrouver dans la texture de la viande . Les consommateurs sont plus enclins à décrire naturellement la texture que les arômes, c’est plus facile et accessible, les mots viennent plus facilement, c’est aussi la « monnaie » d’échange entre nous. Les sensations les plus mémorisées pour la viande , c’est aussi l’objectif des éleveurs que de nous offrir des viande les plus tendres et juteuses.
Les saveurs au nombre de 4 identifiées : salé, acidité, sucrosité et amer. Le plus souvent seul le sel et une certaine sucrosité sont perçus, il est rajouté par le mangeur ou le cuisinier. Chacun d’entre nous va rechercher sa dose parfaite qui correspond au meilleur équilibre personnel. Le sel est un exhausteur de gout, relevant les saveurs de la viande .
Les saveurs sont perçues par des capteurs spécialisés situés dans les papilles de la langue. Ils captent et détectent les molécules, acheminées au cerveau pour être reconnues. Elles sont essentielles dans notre plaisir des sens.
Une cinquième saveur est admise et en particulier pour la viande : c’est l’UMAMI. La molécule en permettant de s’y référer est le glutamate de sodium, sous forme libre ce peptide est un exhausteur de gout. En fait plusieurs acides aminés sont associés à cette saveur. Le glutamate rajouté dans les plats cuisiné, donne plus d’intensité aromatique en bouche. C’est comme de saler un aliment celui-ci aura plus de saveur jusqu’à un certain seuil. Cette molécule facile à produire donc peut couteuse, est ajouté dans environ 1000 préparations alimentaires, certains disent qu’à dose répétée elle est dangereuse pour la santé (neurologie). C’est aussi un ingrédient classique en cuisine chinoise. Certains individu sont sensible à cette molécule et réagissent dans les qui heures suivant le repas par des symptômes d’abattement et de malaise profond, c’est le « syndrome de la cuisine chinoise ».
L’acide glutamique, acide aminé libre présent dans la viande est perçue comme acide. Cette molécule associée à certains dipeptides donne une sensation d’astringence voir acide
Les sensations trigéminales
Ici pas de capteurs, pas de bourgeons du goût, uniquement des terminaisons nerveuses, il s’agit de nerfs jouant un rôle réflexe. Si vous vous piquez les muqueuses buccales avec une arête, les nerfs vous avertiront d’arrêter de mastiquer et de rejeter l’intrus. Si vous présentez une tasse de café brûlant, il y aura un réflexe de rejet, trop glacé vous ne pourrez pas avaler. Vous croquez un grain de poivre, arrêt de mastication et rejet immédiat. Tout ça pour vous protéger !
Quand votre viande est suffisamment broyée, mastiquée, réduite en miette, vous avalez, réflexe volontaire et involontaire, si vous buvez du vin rouge, vos muqueuses sont « agressées », sensation d’astringence perçue par les nerfs. Essayez d’avaler de l’alcool pur, vous aurez une sensation de brûlant réflexe de protection et de rejet.
Pourquoi trigéminales ? Parce que le nerf trijumeau se divise en trois branches : une branche irrigue la sphère de l’œil, une autre la sphère nasale et la troisième la cavité buccale. Si vous épluchez un oignon cru, les molécules soufrés très volatiles vont remonter dans l’œil, la sensation d’être piqué apparait, le nerf trijumeau va par réflexe envoyer au cerveau un message d’agression, en réponse il y aura des larmes pour diluer l’agresseur et vous pleurez. Le nez aussi va être piqué, puis si vous mâchez un bout d’oignon vos muqueuses seront piquées aussi, sensation nerveuse colportée par le trijumeau.
Les sensations trigéminales sont codifiées en dégustation par : astringence, piquant, picotements, brûlant, métallique, rafraîchissant, assèchement. La sensation de fraîcheur de certains lipides est due à la fonte des acides gras (saturés et insaturés à moyenne et longue chaîne de carbone) dans la bouche à plusieurs pallier de température, 10, 22,
Profil de flaveur et longueur en bouche
Le profil de flaveur est un moyen de faire une synthèse de toutes les sensations se déroulant ne même temps pendant la dégustation . On parlera au début de l’attaque ; les premières sensations, l’action de la salive en dissolvant les molécules solubles emprisonnées dans la viande . L’action du mâchement va libérer les molécules aromatiques permet le développement du « goût » avec parfois des pics aromatiques et enfin la finale. Le profil de flaveur est un prétexte à discussions sur l’ensemble des sensations, sorte de point final à un bon moment et parler de se qui nous a marqué.
La persistance aromatique ou longueur en bouche après avalement est liée entre autre à la présence des lipides libérant lentement des molécules, prolongeant ainsi les sensations gustatives. Le gras des aliments influence directement la longueur en bouche. Les viandes grasses entrainent un mâchement plus long, les arômes sont très lentement libérés, on observe un plateau de sensations aromatique assez long, et une finale sapide prolongée. Le film gras sur les dents et entre les dents, libère progressivement les molécules liposolubles- aromatiques. A l’inverse, une viande maigre comme le renne, provoque un pic sapide intense dans les premières secondes et une décroissance rapide des sensations sans longueur en bouche, la fibrosité du collagène donnant une finale fibreuse.
Plaisir de déguster
A partir de cette proposition il est possible de trouver un langage plus imagé, plus littéraire décrivant au mieux les multiples perceptions sensorielles. Le meilleur protocole étant d’être au calme. En effet, au-delà de 72 décibels les connexions neuronales sont perturbées, et la perception des odeurs et arômes devient quasiment impossibles. En évitant de parler, restez concentrer, essayez « d’écouter » vos neurones. Vous pourrez percevoir les arômes les saveurs et les textures et autres sensations sapides se mélanger. A vos fourchettes, à vos stylos, triturez vos neurones, ajoutez-y un brin de créativité, de fantaisie et partageons les plaisirs de déguster !
Comment réussir votre dégustation ?
1. Séparez la cuisine du lieu de la dégustation
Proposition d’une fiche de dégustation des viandes
Cette fiche propose un protocole, une
A partir des mots trouvés par l’ensemble des dégustateurs, il est possible de faire une liste de descripteurs caractérisant la viande consommé par les individus à un moment.
Nom du morceau : mode de cuisson :
Etapes à suivre et proposition de descriptions |
Exemple de descripteurs |
Toucher : humide, sec, gras, lisse, fibreux, rugueux, fin, souple |
Toucher humide et rugueux |
Odeurs du morceau Se reporter à la classification des odeurs |
Gratiné, fumée, grillé, caramélisé, bouillon de viande , suint, ferrique, oignons grillés |
Saveurs : acide, salé, amer, sucré |
Salé, sucrosité en attaque Et finale légèrement acide |
Sensations trigéminales : piquant, astringent, métallique, brûlant, rafraîchissant |
Métallique, légèrement astringent, finale rafraîchissante |
Texture : Texture de contact : humide, mouillé, aqueux, juteux, sec, gras, huileux, velouté, lisse, soyeux, fibreux, grenu, farineux, rugueux, râpeux, fin, souple Texture de déformation : Jutosité de déformation, élasticité, fermeté, molle, Tendreté de déformation de broyage Fibrosité Texture de mastication Jutosité de mastication-qualité du jus, sensations de l’émulsion : liquide, fluide, huileux, gras, Tendreté de mastication fibres, sècheresse, fondante, ferme, dure, coriace, grasse, onctueuse, ferme, molle, huileuse onctueuse filandreuse, filamenteuse, farineuse, élastique, pâteuse, lisse, grumeleuse, coulante, aérée, hétérogène, fine Sensations de texture du bol alimentaire entre la langue et le palais : lisse, fine, soyeuse, velouté, rugueux, granuleuse, cireux, fibreuse, hétérogène |
Humide, juteux, souple, fibreux Elastique, juteuse, jus épais, tendre, fondante, moelleuse, fibreuse Juteuse, perlé de gras, tendre, onctueuse, fibreuse, fine, soyeuse |
Arômes Se reporter à la classification des arômes |
Sang, ferrique, cuir, gras fondu, huile de lin, réglisse, fumée, noisette, herbe sèche |
Résidus de texture : remplissage de l’espace entre les dents, film gras sur les dents |
Bouche grasse, fibres entre les dents, film gras huileux. |
Arrières goûts |
Métallique, légèrement amer |
Persistance aromatique : courte, moyenne, longue |
Très long en bouche |
Voici un exemple de description sensorielle de deux viandes séchées, rencontrées à Gap en mai 2008, au salon Slow Food.
Dans l’heure nous avons découvert un gigot d’agneau séché et un mouton séché-fumé, un Salame di Giora de bœuf du Piémont, le saucisson et le Jambon Noir de Bigorre, accompagnés de vins des Hautes-Alpes et de Savoie. Atelier animé par Paul Le Mens coordonné par Jean Lhéritier en présence des producteurs. Nous présenterons la description sensorielle de la viande d’agneau séchée et le mouton séché fumé.
Noix de gigot d’agneau séchée, de Ludovic Drouhot, 05 500 Les Infournas
Seule la noix du gigot séparée et séchée a été dégustée par l’assistance. Trois morceaux étaient présentés afin de pouvoir décomposer par étapes les sensations olfactives, gustatives et texturales.
Belles tranches aux nuances rouges, rosées, marrons, toucher étonnement fin, soyeux, introduisait avec promesse la suite.
Le nez tout en finesse découvre un bouquet d’odeurs aigrelettes relevé de quelques touches légères d’animalité mêlé à des notes de gibier, s’ouvre aux effluves de bergerie , de cuir frais rehaussé de parfum d’écorce verte, d’herbes macérés, finissant sur des notes de badiane.
La bouche, perçoit une attaque légèrement salée disparaissant sous un flot de salive, laissant place à la fraicheur, aux douces saveurs suaves. Franche et moelleuse la chair plantureuse n’en fini pas de rouler entre les dents, spontanée la fraîcheur et la finesse de bouche appelle la prochaine bouchée.
Contact soyeux et sensible effleurant les lèvres, la chair se laisse abordée parfaitement séchée. Belle matière charnue, tendre et longue à mastiquer, n’en fini pas d’agacer la salive. Moelleuse au palais, d’élégante finesse elle s’ennoblit de salive fluide, entre l’émail de mes dents elle a filé.
La rondeur du grain habilement enrobé de petites notes salées, épicées sur un fond léger de touches animales s’échappent avec discrétion. Textures et aromes se complètent à la perfection, instant fugace de complétude.
Au palais la mâchée laisse des notes persistantes de fumée, des touches subtiles d’épices s’accordant à merveille à la rondeur du grain. S’échappent tout à coup quelques notes animales soutenues et accompagné d’opulentes notes boisées, souvenir d’automne, fugacement disparaissent, laissant s’ouvrir des épices légères, curry mêlé d’anis.
Avalée, la finale développe une touche légèrement piquante, laissant l’empreinte fugace de la douceur gourmande de viande réapparaitre ; un plaisir harmonieux une douce souvenance m’avait envahi.
Viande de mouton fumée : le Fumeton, de Pierre Bayle, Chabrand, le plan 04400 Barcelonette
Cette viande de mouton vient uniquement du cœur de gigot, les muscles choisis sont dégraissés et dénervés. Puis après une recomposition par étuvage, séchée, fumée au bois de hêtre, affiné lentement au minimum 2 mois. Le gras est enlevé soigneusement, car celui de mouton s’affine mal et prend un gout de suif au séchage, alors il colle aux muqueuses et donne une sensation cireuse. Les petites tanches finement coupée de forme rectangulaire rayonnent appuyées par la robe rougeâtre nuancée de teinte chatoyante marron clair.
Matière soignée au toucher lisse comme du cuir ciré, la tranche fine se laisse manipuler, souple elle s’enroule comme pour mieux se laisser déguster. Par transparence ou peut observer des nuances rougeâtres, aux reflets sombres apporté par le fumage.
La tranche marbrée luisante, parsemée de discrètes larmes de gras blanc, contraste avec le muscle vif presque noir, nuancée de brun-rouge foncé.
Elle dévoile un nez puissant, animal, splendide bouquet d’intenses épices, s’ouvre aux aromates mélangés d‘ effluves de parmesan de saucisson séché. Odeurs par vagues successives des notes subtiles, légères, évoluant sur de touches d’aromates fermentés, finissant sur des notes huilées, associées au boisés discret.
Sensation prégnante de fermenté-épicé-acide, dominant un instant la mêlée des odeurs multiples. Arrivent les effluves de mouton, mélangé à la fumée d’herbe soutenue d’odeurs animales puissantes.
La bouche reçoit une attaque salée, mêlée à une agréable acidité enveloppante et longue.
La texture cartonneuse, légèrement caoutchouteuse, lisse, élastique ne résiste pas et joue avec le moelleux de la matière, alimenté par un grain délicat tout en finesse.
Les arômes d’épices, de poivre frais, mêlée à des notes de fumée, de fermenté aigrelet en phase gazeuse, laisse une belle impression de fraicheur acide ouvrant les papilles.
La finale est légère, subtile, portée par une bouche fraiche due à une belle acidité sans gras, libère des flaveurs d’aromates, laissant une bouche assoiffée de vin.
Afin d’honorer ses pièces de choix deux vins de montagne étaient proposés :
La cuvée Manon 2006, présentée par Olivier Ricard du Domaine de Trébaudon, Vin de Pays des Hautes Alpes.
Une mondeuse 2004, AOC Vin de Savoie rouge, du Domaine du Prieuré Saint-Christophe, présenté par Michel Grisard
Fiche de dégustation des viandes, Paul Le Mens
Nom du morceau : gigot mode de cuisson : four
Etapes à suivre et proposition de descriptions |
Exemple de descripteurs |
Toucher : humide, sec, gras, lisse, fibreux, rugueux, fin, souple |
Toucher humide et rugueux |
Odeurs du morceau Se reporter à la classification des odeurs |
Gratiné, fumée, grillé, caramélisé, bouillon de viande , suint, ferrique, oignons grillés |
Saveurs : acide, salé, amer, sucré |
Salé, sucrosité en attaque Et finale légèrement acide |
Sensations trigéminales : piquant, astringent, métallique, brûlant, rafraîchissant |
Métallique, légèrement astringent, finale rafraîchissante |
Texture : Texture de contact : humide, mouillé, aqueux, juteux, sec, gras, huileux, velouté, lisse, soyeux, fibreux, grenu, farineux, rugueux, râpeux, fin, souple Texture de déformation : Jutosité de déformation, élasticité, fermeté, molle, Tendreté de déformation de broyage Fibrosité Texture de mastication Jutosité de mastication-qualité du jus, sensations de l’émulsion : liquide, fluide, huileux, gras, Tendreté de mastication fibres, sècheresse, fondante, ferme, dure, coriace, grasse, onctueuse, ferme, molle, huileuse onctueuse filandreuse, filamenteuse, farineuse, élastique, pâteuse, lisse, grumeleuse, coulante, aérée, hétérogène, fine Sensations de texture du bol alimentaire entre la langue et le palais : lisse, fine, soyeuse, velouté, rugueux, granuleuse, fibreuse, hétérogène |
Humide, juteux, souple, fibreux Elastique, juteuse, jus épais, tendre, fondante, moelleuse, fibreuse Juteuse, perlé de gras, tendre, onctueuse, fibreuse, fine, soyeuse |
Arômes Se reporter à la classification des arômes |
Sang, ferrique, cuir, gras fondu, huile de lin, réglisse, fumée, noisette, herbe sèche |
Résidus de texture : remplissage de l’espace entre les dents, film gras sur les dents |
Bouche grasse, fibres entre les dents, film gras huileux. |
Arrières goûts |
Métallique, légèrement amer |
Persistance aromatique : courte, moyenne, longue |
Très long en bouche |
Paul Le Mens, Ingénieur en Science des Aliments, Professeur de dégustation des aliments
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